Nous avons passé le week-end de Paques à Cayenne, chez des amis qui nous ont permis de découvrir la capitale de la Guyane et ses environs. Chantal et Paulo, si vous nous lisez, merci encore pour votre accueil!
Nous avons commencé par visiter le centre-ville, avec ses vieilles maisons à arcades et balcons qui bordent les rues commerçantes et les places ornées de palmiers. Les trottoirs comme les bâtiments ne sont pas toujours dans un état impeccable (il n'est pas toujours sans risque de se balader le nez en l'air) mais le vieux centre est plutôt agréable, avec de temps en temps des taches de couleurs vives (jaune, orange...) lorsqu'une maison a été restaurée.
Le centre de l'animation le samedi matin se situe au marché. Tous les stands de choses comestibles (on ne distingue pas toujours bien ce qui est fruit et ce qui est légume) sont tenus par des Hmong, dont la communautée basée au sud de Cayenne s'occupe de la quasi totalité de l'agriculture guyanaise. Entre les formes bizarroïdes de beaucoup de produits et le type asiatique des vendeurs on pourrait se croire en Extrême-Orient plutôt qu'en Amérique du Sud... heureusement les prix (même pour la production locale) sont là pour nous rappeler que nous sommes bien dans un département d'Outre-Mer. Mais l'exotisme, l'animation, la profusion de couleurs vives (rouge, jaune, vert, et même violet pour les patates douces) font oublier ce petit inconvénient - au moins pour le touriste de passage.
Nous avons ensuite pris une route qui s'enfonce dans l'intérieur des terres, pour aller visiter le village de Cacao, un des villages Hmong créés par des réfugiés politiques dans les années 1970. Cela a été l'occasion d'avoir un bon aperçu de la forêt tropicale guyanaise, d'autant plus qu'au contraire des quelques autres routes qui traversent la région, celle qui mène à Cacao est dans un état de délabrement avancé. Selon les endroits on a la version "goudron plein de trous" ou bien la version "piste de terre avec des plaques de goudron", la transition entre les deux étant parfois subtile. Conduire une voiture dans ces conditions relève du parcours d'obstacle, surtout quand les flaques d'eau masquent la profondeur réelle des trous, et nous avons donc eu tout le loisir d'admirer la végétation incroyablement luxuriante qui borde la route. Feuilles, fleurs, arbres, lianes, palmiers divers et variés se mèlent pour former une masse verte et compacte.
Grâce à nos guides nous avons pu apprendre à reconnaître quelques espèces: le palmier Awara qui donne des fruits très utilisés dans la cuisine guyanaise, le ficus étrangleur qui se développe autour d'un arbre support jusqu'à le faire mourir, le balisier qui donne des belles fleurs rouges, l'arbre du voyageur et ses palmes en forme d'éventail... mais ce n'est évidemment qu'une microscopique fraction de l'immense diversité qu'on trouve dans la forêt tropicale. Les fréquentes averses (torrentielles) et la brume que l'on aperçoit au-dessus de la forêt lorsqu'on se trouve un peu en hauteur achèvent de créer l'ambiance.
C'est dans ce décor que se niche le petit village de cacao, mélange de vieilles maisons en bois (souvent sur pilotis et avec un balcon au premier étage) et de bâiments plus modernes, tous noyés au milieu de la végétation d'où émerge de temps en temps un arbre fruitier reconnaissable, un enclos à poule ou un gros tracteur. Là encore c'est autour du marché que gravite l'animation du village - au moins le dimanche, jour des touristes. On peut y trouver des broderies typiques, d'autres objets d'artisanat d'aspect plus ou moins authentique et surtout, plusieurs petits stands qui vendent des spécialités laotiennes, dont une soupe aux pâtes qui semble être la base de leur alimentation.
Plus "local" on trouve aussi à Cacao un petit musée sur les insectes guyanais, en particulier les papillons et les araignées. Nous avons appris à cette occasion que les mygales guyanaises sont les plus grandes (jusqu'à 25 cm!) mais les moins dangereuses du monde, et qu'on peut les manipuler certaines d'entre elles dans tous les sens sans déclencher de réaction agressive, malgré leurs crocs qui font jusqu'à deux centimètres de long, et leur venin tout à fait opérationnel. Pour nous convaincre, le guide a sorti plusieurs specimens de taille tout à fait respectable et les a fait courir sur ses mains et son T-shirt. Je ne suis pas sûre qu'il ait complètement vaincu la répugnance de tout son public, mais il est certain que l'expérience modifie un peu l'image qu'on se fait de la mygale. En tout état de cause, on ne verra plus jamais "un indien dans la ville" et Fort Boyard de la même façon.
Tout comme pour les araignées, la caractéristique la plus impressionnante des insectes guyanais est leur taille - ce qui apparaît plutôt sympathique lorsqu'il s'agit des magnifiques papillons bleus qu'on appelle Morpho mais un peu moins lorsque l'on voit des cafards géants ou autres bestiole à antennes sur-dimpensionnées (il existe en particulier une sorte de guêpe qui s'attaque aux mygales sus-citées, vous imaginez la bête).
Nous avons continué notre étude de la flore et de la faune guyanaise lorsque nous sommes revenus sur Cayenne, cette fois pour explorer les rivages - plage et mangroves - de la péninsule de Cayenne.
Les palétuviers qui poussent dans des zones où l'eau de mer pénètre sont très impressionnants avec leurs racines aériennes (d'ailleurs, saviez-vous que certaines espèces filtrent le sel directement au niveau des racines, tandis que d'autres le rejettent par leurs feuilles?) mais ce qui nous a fait sortir à la tombée de la nuit et au lever du soleil, et parcourir les plages de Cayenne en long et en large, ce sont les tortues luth. En effet, c'est la saison de la ponte et ces énormes tortues viennent tous les jours avec la marée montante pour pondre et enterrer leurs oeufs sur la plage. Malheureusement, en ce moment la marée est très bien synchronisée avec la nuit, ce qui fait que malgré toutes nos déambulations sur les plages nous n'avons vu que les nombreuses traces du passage des tortues: l'aller-retour en forme de pneus de tracteur, et la zone de ponte où le sable est retourné sur environ 1m50 de diamètre. Axel seulement a entr'aperçu une tortue au moment où elle rentrait dans l'eau, malheureusement je ne regardais pas au bon endroit à ce moment-là et le temps que je tourne la tête elle avait disparu dans les vagues.
En guise de lot de consolation on a tout de même pu admirer (de loin) quelques ibis rouges, qui forment un beau tableau sur le fond de vase beige et de mangrove verte où ils cherchent leur nourriture.
Depuis, nous sommes revenus à Kourou, où nous sommes en train de nous rendre compte de la signification deu terme "saison des pluies". Jusqu'à présent, les quelques averses quotidiennes, certes diluviennes, mais espacées nous avaient portés à croire que cette histoire de pluie avait été largement surestimée. Mais depuis cette nuit la pluie tombe sans interruption, avec une intensité qui varie entre la grosse pluie qui mouille et le déluge qui applatit l'eau de la rivière et résonne sur le toit du bateau. Temps peu riant donc, mais c'est l'occasion remplir nos soutes. Tous les récipients disponibles ont été sortis: seaux, casseroles, poêles, bassines, et même la cocotte sont mis à contribution pour récupérer l'eau qui dégouline le long des tauds. En ciré et maillot de bain on créé des gouttières, on filtre, on transvase des casserole aux bidons et des bidons aux soutes, au fur et à mesure que nos réservoirs de fortune se remplissent (c'est à dire très rapidement). A ce rythme là nos deux soutes vont bientôt être pleines, avec suffisemment d'eau en plus pour pouvoir faire toute notre lessive - il ne restera plus qu'à trouver un moyen de faire sécher le linge...